L’art d’ouvrir la porte (thème 2024)
Si ouvrir la porte n’est pas encore élevé au rang d’art, tout à la Maison Germaine Tillion vise à ce qu’il en devienne un. Il s’exerce à plusieurs. Il est l’art de chacune et chacun, peu importe que l’on se trouve d’un côté ou l’autre de la porte.
— par Quentin Rioual, codirecteur artistique de C.A.M.P
Ouvrir une porte est un geste quotidien, évident, auquel on ne réfléchit plus une fois qu’on a appris à le faire. Mais certaines fois, il y a des portes que l’on a du mal à ouvrir ou à faire ouvrir… On n’ose pas, on ne se sent pas légitime, on est empêché, on repousse le moment avant de franchir le seuil.
Dans un monde marqué par le repli sur soi, la peur de l’autre et la méfiance vis-à-vis de l’avenir, nous faisons le pari que rien ne vaut plus que d’ouvrir la porte. Et faire cela dans ce contexte, c’est tout un art.
Ouvrir la porte chaque jour, ouvrir la porte à toutes et tous, ouvrir la porte sans conditions, ouvrir la porte avec joie… Cela suppose d’être prêt·e à accueillir. Depuis 2008, nombreuses sont celles et ceux qui ont imaginé comment et sur quoi les portes de la maison de Germaine Tillion pouvaient s’ouvrir. Depuis 2021, nombreuses sont celles et ceux qui ont œuvré pour qu’à tous points de vue le site soit adapté à l’accueil d’un nouveau projet de vie humaine. Pendant neuf jours, du 21 au 29 septembre, C.A.M.P donnera toute sa place à l’héritage de la résistante Germaine Tillion et à la réhabilitation de son ancienne propriété, en présence de nombreuses personnes invitées. De plus, des artistes complices ont été invité·es à venir à prendre les augures pour deviner, inventer, rêver le devenir de ce site exceptionnel à plusieurs titres.
Avec humilité et responsabilité, rappelons-nous que nous ouvrons la porte d’un lieu façonné par une ethnologue si fidèlement accueillie dans les Aurès, par une femme louée pour son hospitalité, par une résistante intraitable avec le repli, la haine, l’inhumanité…
Ouvrir la porte suppose de partir à la découverte, de chercher la rencontre, d’accepter l’inattendu. Ouvrir la porte, c’est répondre à l’appel d’un mot laissé ou d’une main qui frappe contre le battant. C’est répondre à un regard qui s’interroge, à un vol dans le ciel. C’est permettre à une relation de naître, même sans mots, même sans poser de questions.
Si ouvrir la porte n’est pas encore élevé au rang d’art, tout à la Maison Germaine Tillion visera à ce qu’il en devienne un. Il s’exercera à plusieurs. Il sera l’art de chacune et chacun, peu importe que l’on se trouve d’un côté ou l’autre de la porte. C.A.M.P, les partenaires de la Maison Germaine Tillion et les artistes en résidence jusque fin 2024 se donnent pour défi principal d’ouvrir la porte, d’ouvrir les portes et de pratiquer cet art ensemble. À partir d’octobre, Quentin Rioual, codirecteur artistique du projet, vous invitera à dire, lire et écrire. À partir de novembre, l’Assemblée des noues (Chloé Adelheim et Charlène Guillaume) vous invitera à faire la grande enjambée qui sépare la Maison des autres habitations.
Le 31 décembre prochain, nous aurons peut-être ouvert plus que des portes. Peut-être aurons-nous ouvert large, ensemble, quelques fenêtres sur l’avenir d’un havre. Sur ses promesses. Et sur la façon qu’il a de permettre à chacun·e d’habiter en artiste. En faisant du moment présent ce qu’on voudrait que le futur soit.